Je n'aime pas particulièrement analyser les images et leur sens disons psychologique. Ce n'est pas mon métier, et je préfère regarder si c'est "plastiquement" intéressant, pour reprendre les expressions des ateliers de peinture d'il y a for-for longtemps. Les couleurs, les formes, les traits qui se répondent et ne s'écrasent pas, regarder si la toile ou le dessin reste vivant, pas facile à vrai dire, parce que cela ne relève pas forcément d'une technique apprise mais d'un subtil mélange d'intuition et de savoir-faire, avoir développé une "patte" comme on dit dans ce milieu.
Introduction faite. (rapidement).
Lorsque j'ai commencé l'enseignement des "arts pla" au collège, il y a for-for longtemps, ce qui m'avait le plus troublée c'était l'auto-annulation (mutilation) que les élèves donnaient à leur propre travail. Il fallait beaucoup de tact pour leur redonner confiance en eux-même. D'abord, leur donner des consignes claires, car il n'était pas question de leur demander "dessine-moi ceci ou cela", trop paralysant. Ils ne "savaient" plus. Ils n'osaient plus ces gestes que l'on peut observer chez les petits enfants. Ils disaient que c'était "nul". Je leur avais interdit ce mot, je me souviens, leur expliquant que nul voulait dire rien, et que si il y avait quelque chose sur le papier, c'est donc que ce n'était pas nul. Je cherchais avec eux l'endroit du dessin, en utilisant un petit cadre, trouver la zone qui, de façon évidente, était belle et digne d'être admirée, une reconnaissance que je leur demandais à leur propre travail puis leur donner la mienne, l'adulte sur lequel ils avaient besoin de s'appuyer. Il y a toujours, même dans un barbouillage, un lieu, un endroit où la magie picturale opère, comme si notre part inconsciente se manifeste à cet endroit et que le tout est "juste", miraculeusement en place.
Souvenir de ce temps où j'enseignais (pour me raconter un peu, beaucoup, passionnément), c'est fait.
Et aujourd'hui, cette peinture à quatre mains m'a bouleversée... Cet extrait d'image que je vous présente au début, est ce que je recherche actuellement en peinture, quelque chose qui rejoint un peu les maîtres chinois ou japonais que j'admire, une force dans les noirs et ce rouge qui vient par petites touches, et ces éléments, pommes, feuilles, qui rejoignent le "tout" dans le "presque rien", bref, je me comprends et je vois là une piste de travail, que dis-je, une autoroute qui s'ouvre devant moi.
Confidences d'une peintre inconnue qui essaye de se faire comprendre, c'est dit.
Histoire de me contredire, puisque, au début, je dis ne pas aimer, ne pas vouloir, ne pas savoir, analyser les images et leur sens psychologique, je suis très troublée de cette "colorisation" de ma fille que j'ai envie d'appeler collègue aujourd'hui, car finalement, depuis quelques jours, nous collaborons à ce travail pictural et c'est épatant, je vous assure! Elle m'a demandé un arbre, avec des feuilles qui tombent et des pommes aussi, j'ai ajouté le soleil. Ce tronc noir, devenu presque invisible, et ce noir autour du soleil m'a intriguée. Je suis restée longtemps à regarder cette image, comme un miroir de ma situation familiale. Cette rupture, coupure avec ma famille natale, là, comme une éclaboussure devant mes yeux, et la promesse de cet arbre qui trouve malgré tout sa lumière, qui pousse verdoyant, qui donne du fruit voyez-vous? et ce soleil, qui repousse les nuages.
Voilà, c'était mon petit quart-d'heure divan, c'est fait.
dans la grande image
RépondreSupprimerles couleurs donnent le mouvement au tout
l'extrait du début de ton commentaire
me fait ressentir le ralenti de la beauté
des bises à l'heure où le soleil, revenu de derrière les nuages, brille toujours
Je regarde et re-regarde ces dessins à quatre mains et j'admire ce résultat si "artistique"! Il y a de l'émotion, de la vie (même dans le dessin en noir que j'aime tant), du mouvement... et une histoire. Merci de partager le résultat précieux de ce bel échange!
RépondreSupprimerCe billet est magnifiquement construit. J'aime beaucoup toutes ces réflexions.
P.S: J'aurais bien aimé avoir une prof comme vous! J'en ai eu une qui, un jour, a déchiré le dessin d'un camarade pour qu'il apprenne à faire mieux...
Tu ne décortiques pas, tu n'analyses pas, tu ne peux juste pas ignorer cette magnifique symbolique qui saute aux yeux !
RépondreSupprimerDu pain-bénit que ces oeuvres à quatre-mains... quel bonheur pour nous, cette "école buissonnière" forcée ! ;-)
Ta première image me fait penser à un foulard de soie... et pour le reste, j'aime bien ton quart d'heure divan.
RépondreSupprimerMoi-aussi j'aurais aimé t'avoir comme prof de dessin. J'étais "nulle" (pardon d'utiliser ce mot) mais ne suis sûre que ton approche très ouverte, intuitive et sensible du dessin aurait fait des merveilles. J'aime aussi beaucoup ta façon de structurer tes textes. Bref, ton blog est inspirant:-) Bonne fin de journée!
RépondreSupprimerSpiruline
http://regardevoir.blogspot.com
Très beau, me donne envie que tu continues de nous découper ce tableau en tranches car la première photo est une oeuvre à elle seule.
RépondreSupprimerC'est vrai qu'on pense à de la soie zossi
j'aime!!! le texte et l'aquarelle... Merci!
RépondreSupprimerDany
@ Merci à toutes celles qui ont bien voulu laisser un petit mot sous ce billet. Je suis interpellée par ce que disent Jeanne, Spiruline et Hirondelle (en email car elle n'arrive pas à laisser de commentaires) au sujet d'une non-reconnaissance ou difficulté de réception dans leur expérience enfantine du dessin. Je n'enseigne plus, mais j'ai rencontré des adultes qui m'ont demandé si je voulais ouvrir un atelier et vos remarques me poussent à penser que oui, il y aurait quelque chose à faire d'intéressant, pour les adultes, une sorte de réparation, des ateliers qui permettraient d'aller ce réapproprier ces gestes qui ont été "asphyxiés" en quelque sorte.
RépondreSupprimerTu sais, je vais te dire une chose.
RépondreSupprimerJ'accompagne des femmes d'un quartier, femmes maghrébines en majorité. On apprend un peu de français, on partage en vérité, c'est tout. On dessine, on fait des trucs, elles n'ont jamais connu l'école. Il y a deux ans on a fait un imagier. On a dessiné une fleur. je les ai vue toutes pantelante, hésiter, timides...comme d'hab mais moi je ne comprenais pas.
une fleur quand même ! tu vois j'avais dessiné au tableau la marguerite toute comme avec un rond et huit pétales autour.
" ben on en a jamais dessiné !" qu'elles m'ont dit.
....
@LAURE, merci de partager ici ce vécu, très touchant!
RépondreSupprimerJe ne vois pas le noir, il part. Il est chassé par le vent du matin qui fait glisser l'ombre loin de l'arbre et au-delà du soleil. Même le rouge passe au rose.
RépondreSupprimerIl suffit parfois d'un souffle...
Et tout cela dit en plus avec un humour qui fait du bien!...
RépondreSupprimerJ'aime tout, les textes, les illustrations, la vie qui est là sous jacente, le souffle du vent et tous ces moments partagés à quatres mains!!! C'est beau et léger, cela sent l'automne et les feuilles qui volent, les fruits croqués, les nuits qui s'allongent...
RépondreSupprimerjoliment dit tout ce travail ! C'est important de se laisser d'abord porter par l'émotion puis vient le temps du regard et de l'observation.
RépondreSupprimerBravo à vous deux !
Comme j'aurais aime avoir un professeur comme toi !
RépondreSupprimerC'est très beau ce que tu dis et tellement vrai!
RépondreSupprimerBisous par chez vous!
J'ai aimé revenir me promener un peu dans tes pages
RépondreSupprimerAimé me pencher sur ces dessins si "parlants"
Tout l'art, c'est de pouvoir encourager ses "élèves", leur donner confiance en eux...
(lorsque j'étais ado, un de mes prof a déchiré ma composition de français: elle n'était pas dans le sujet... ou alors trop originale, ça la dérangeait!)