Est-ce le fait d'une rupture,
entre l'inertie et le mouvement,
entre le silence de la nature et les sons de la civilisation urbaine,
entre l'absence de présence humaine et celle de tant de nouveaux visages?
L'association de ces ingrédients m'ont permis d'être instantanément pétillante et vivante,
faisant place à ce que je nommerai "la révélation du train No 60873".
Dans la vie quotidienne des heures et jours précédents mon départ, le contact humain était devenu une source de fatigue, de frustration, l'impression que les évènements extérieurs n'avaient de cesse de me détourner de mes désirs, voire même de mes besoins vitaux, bref, une crise avec le monde environnant. J'avais bien conscience que ceci n'était que le triste reflet de mon état intérieur. Pendant plusieurs années, en Suisse, le moyen de transport ferroviaire était devenu comme un prolongement de moi-même, je vivais en ville et j'avais fait le choix de ne pas posséder de voiture. Les endroits publics tels que les gares, ces lieux qui indiquent un mouvement d'un point à un autre de voyageurs anonymes, m'ont souvent permis quelques prises de conscience importantes, laissant une place toute particulière à la relation avec autrui: des regards furtifs, l'air de ne pas se voir, ce brassement d'individus en suspension dans leur trajectoire comme un ballet d'étoiles filantes. J'ai aimé retrouver cet état qui me rappelle ce temps d'avant la vie sur la colline. A la gare, je ne parvenais pas à composter mon billet. La machine avait fonctionné pour le premier ticket mais butait sur le deuxième. Une jeune femme qui m'observait problablement du quai de départ pour Dijon est venue m'aider et me montrer comment procéder pour débloquer le système défaillant. Ce geste m'a particulièrement touchée pour cette bienveillance offerte sans en avoir préalablement fait la demande. Le train est arrivé, nous sommes montées et avons trouvé facilement une place disponible dans un compartiment à 4 places. Nous avons d'abord regardé le paysage, puis Bianca s'est penchée sur sa feuille de papier jouant avec les feutres que j'avais rapidement glissés dans mon sac avant de partir. Alors que mon regard balayait le wagon, observant ça et là les visages des voyageurs, quelque chose de tout à fait particulier s'est passé à l'intérieur de mon être. "Aime ton prochain comme toi-même", la belle affaire si cela n'est pas vécu avec mes sens. J'ai pu, à cet instant très particulier, et je crois pour la première fois, expérimenter cette Parole en ayant la sensation que tout "autre" était en moi ou moi en lui et ressentir alors un bien-être face à cette présence de prime abord étrangère. Dès que je m'efforçais à penser qu'il ou elle n'était qu'un(e) "autre", la peur ou la méfiance apparaissait et quelque chose se durcissait, comme si il fallait construire un mur invisible. J'ai joué ainsi pendant le court instant où ce phénomène étonnant se présentait à moi, alternant les deux états d'ouverture et de fermeture face au monde extérieur, me promettant de ne jamais oublier cet enseignement.
Mesdames et Messieurs, nous arrivons en gare de Dijon. Les correspondances pour Mulhouse, Bâle, Zurich sur voie 4. Pour Paris, voie 2. Nous vous souhaitons une agréable journée.
Maman, on arrive bientôt à Colmar?
*Post edit: Comme je l'ai déjà dit précédemment, j'avais rapidement photographié des détails de peinture lors de ma visite au musée Unterlinden, sans prendre le temps de regarder les titres. En utilisant la méthode proposée par Jeanne offerte dans les commentaires du billet précédent, (expliquant qu'il s'agit de glisser l'image dans le moteur de recherche), j'ai découvert, après avoir écrit le texte avec mon choix d'image (un détail agrandi de ces mains magnifiques), le titre du tableau - Noli me tangere, traduit par "ne me touchez pas", parfois, "ne me retiens pas" - dont l'image de la peinture entière est montrée ci-après. Pour la deuxième image des mains et drapés, je n'ai pas encore trouvé de quel tableau il s'agit.
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Noli Me Tangere
Martin Schongauer c. 1470 |
Pas de larmes à la lecture de ton billet cette fois, mais les poils des avant-bras dressés ! Que c'est puissant le psychisme. Combien le monde environnant dépend du regard que l'on porte sur lui... Et cette f*%tue peur de l'autre ! L'exercice que tu as fait dans le train est impressionnant.
RépondreSupprimerJ'ajouterais juste qu'avant d'aimer autrui comme soi-même, il faut s'aimer soi, justement.
Belle journée sur la colline !
Trouver l'allégresse intérieure et apprécier l'"écho" qui en résulte. Le mouvement est parfois nécessaire (même si il s'agit peut-être d'une illusion...) pour transformer le plomb en or ;-)
SupprimerTu me donnes envie et je te suis 5 sur 5 ou 6 sur 6 ou ....
RépondreSupprimerma colline est un creux de rivières, elles ont quatre
bon 4 sur 4
Elles ont quatre .... quoi?
Supprimerelles SONT 4
Supprimerfaute de frappe, le S a dérapé !
biz
Partir....Voyage...Aller vers l'autre comme aller vers soi même alors...ne plus avoir peur de l'autre c'est alors ne plus avoir peur de soi...Faut il alors se reconnaître en tant qu'être humain,retrouver son identité...Quand on est depuis si longtemps en errance parmi les étoiles à communiquer avec le végétal et l'animal...Mais la vie folle cour court court et quand on se regarde dans le miroir:"mais je suis une femme,un être humain...pourquoi ai je peur de mon semblable...."
RépondreSupprimerJe t'embrasse ma Terre Indienne...
Merci....
Je n'ai pas de réponse à ta question, hirondelle, les états changent d'un jour à l'autre, d'une rencontre à l'autre. Parfois besoin de solitude, parfois de contacts intimes, d'autres de foule anonyme. Trouver le chemin pour se sentir bien dans ce monde n'est pas tâche aisée, pas toujours possible d'être dans la beauté de la vie et dans l'harmonie.
SupprimerLa suite n'est pas décevante..;)
RépondreSupprimerLes "déclics" se moquent de l'espace et des lieux; quelques fois juste une ouverture de l'esprit, une brèche subtile, une disponibilité en affinité avec l'instant et....tout est possible..
C'est précieux l'allégresse intérieure; parfois c'est tout ce qui manque et ce manque devient vital. J'aime beaucoup la justesse et la sensibilité de tes réponses. Laisser être ce qui se présente, ne pas entrer en guerre contre le contenu de l'instant, c'est peut être ça aussi "être dans la beauté de la vie"..:)
Merci à toi pour ce précieux partage.
Merci à toi pour ce précieux retour. J'avais besoin d'inscrire cet instant du train, ne pas oublier qu'il y a, comme tu le nommes si justement, des "brèches subtiles", j'aime beaucoup cette notion de brèche que tu évoques, mieux que "rupture".
SupprimerContente de partager ainsi avec une écoute de qualité!
C'est un bonheur que de vous lire... Un vrai.
RépondreSupprimerSi c'est un vrai.... alors je suis vraiment contente aussi;-)
SupprimerMerci Chri et à bientôt!
Bien en phase avec ce trajet en train... ce moment suspendu entre deux lieux, étrange temporalité, et la promesse de renouveau... seuls, au coeur des autres, dans une même impulsion...
RépondreSupprimerIl est magnifique ton texte...
J'aime bien ta promesse de renouveau. J'en ai besoin, assurément!
SupprimerMerci dame zaza!
J'aime les trains moi aussi. Et longtemps j'ai voyagé surtout en train (je n'ai pas de voiture et n'aime pas trop les avions).
RépondreSupprimerEt ces deux billets me rappellent que cela fait des années que je me promets d'aller faire un tour au musée Unterlinden de Colmar ...
Ce musée te plaira certainement. Il est surprenant! C'est la troisième fois que je le visite et à chaque fois, il me révèle, il me relève.
SupprimerCela bloque sur canalblog aujourd'hui ...
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce texte qui me parle en profondeur. Mon rêve était de vivre près d'une voie ferrée, c'est chose faite, je ne me lasse pas d'imaginer ces départs, ces voyages, ces autres en-dehors de moi. J'aime oberver les trains de voyageurs par la fenêtre de ma cuisine, les soirs d'hiver ... Un de mes livres culte fut Anna Karénine ...
Quant au sentiment d'ouverture/fermeture que tu décris si bien, je le connais aussi, étrange et troublant, comme si, au final, tout dépendait de notre état intérieur.
Doux été à toi
Merci Zenondelle. Tu me donnes envie d'aller voir du côté d'Anna Karénine...
SupprimerBonnes vacances là-bas!
Il y a quelque chose de fascinant dans les voyages en train....
RépondreSupprimerComme des "lieux" pour recevoir ce qui ne se donne pas ailleurs.
Des paroles intimes - des rencontres.
Se déplacer pour recevoir.
Mouvement de la vie sans doute...
J'aime vos mots qui donnent des clés de lecture à ce phénomène VOYAGE.
SupprimerMerci!
les gares, les voyages,
RépondreSupprimerles voyageurs qui nous racontent
les histoires qu'on veut,
la voix dans le haut parleur,
le mouvement,
les gares, ces lieux de vie,
les foules, des tableaux en mouvement,
quel bonheur de te lire...
j'aime te lire...
des bises !!!
Bon, c'est sympa aussi de se savoir lue ;-)
SupprimerBises!
Ce train me parle, mais surtout quelle justesse lorsque tu décris la complexité des rapports humains ! Ceux qui épuisent, et ceux qui nourrissent, sans en avoir l'air... que j'aime ta sensibilité !
RépondreSupprimerBesoin d'un voyage, d'un souffle moi aussi, je ne les ai pas eus seule, mais des musées, de belles expos m'ont redonné de l'oxygène !
Je repars en train bientôt!
SupprimerMerci mim pour ta visite!
En train, es-tu, de remplir pour une fillette jolie, un petit sac de rentrée, quelques larmes vite séchées, de la voir s'en aller ....
RépondreSupprimerOui, enfin, le sac est loin d'être prêt, en fait, je ne suis pas prête du tout, pour tout ça, mais il faudra bien que ça se fasse.... Merci pour ton mot bien deviné!
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